Ferme laitière bas carbone G. de Viron (72) : « L’élevage laitier français est porteur de solutions »
Le mot de la fin de notre websérie ferme laitière bas carbone est confié à Ghislain de Viron, vice-président de la FNPL, et avant tout éleveur engagé au quotidien et depuis l’origine dans la démarche ferme laitière bas carbone. Après trois diagnostics CAP’2ER® réalisés sur sa ferme, Ghislain de Viron porte un regard averti sur les leviers d’action individuels pour diminuer l’empreinte carbone de la production laitière, contribuant ainsi au maintien de toute la filière lait. L’éleveur sarthois s’est prêté au jeu des questions-réponses pour résumer les points clé de la démarche.
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Comment la filière peut-elle s’approprier le sujet de l’empreinte carbone et s’afficher comme encore plus responsable ?
Ghislain de Viron : « La filière lait prend conscience des enjeux écologiques depuis près de 20 ans. La charte des bonnes pratiques d’élevage, par exemple, est déjà largement mise en place dans les élevages. Les objectifs de la ferme laitière bas carbone doivent suivre le même chemin. Aujourd’hui, une ferme laitière sur trois a réalisé son diagnostic CAP’2ER®. Il reste donc 65 % des éleveurs à mobiliser à court terme. En effet, dans 10 ans, il sera trop tard pour limiter le réchauffement climatique aux 1,5 ou 2°C estimés par les scientifiques. L’agriculture doit s’adapter pour être "climato-intelligente". L’amélioration des pratiques agricoles en est la base et c’est en accélérant le déploiement de la démarche ferme laitière bas carbone que nous en constaterons les effets. »
« Nous pouvons aussi aller plus loin dans la réduction de notre empreinte carbone en donnant les moyens à la filière d’être plus vertueuse. L’innovation peut être source de progrès. L’utilisation d’additifs alimentaires pour réduire les émissions de méthane des vaches est un exemple intéressant. D’autres suivront, je le souhaite. »
Selon vous, comment les prochaines générations d’éleveurs appréhenderont leur métier du point de vue de l’impact environnemental ?
« L’appropriation de la question environnementale par les jeunes générations ne fait pas de doute. Tout d’abord parce qu’ils « baignent dedans ». La prise de conscience est plus évidente pour eux que pour les générations plus anciennes qui ont découvert ces questions sur le tard. Les jeunes agriculteurs et ceux en devenir ont appris l’agriculture à travers le prisme de la question du réchauffement climatique. La préservation de l’environnement est omniprésente dans les formations agricoles aujourd’hui. »
« Par définition, l’agriculture est un métier d’adaptation. En travaillant avec le vivant, l’exploitant agricole ne peut jamais répéter continuellement les mêmes pratiques. La variable climatique est en tête de ses préoccupations. Si au quotidien, l’éleveur a peu de prise sur la question, il doit savoir qu’il peut, en revanche, influencer les conditions climatiques de demain. On nous annonce que ce que nous avons connu en 2022 sera sûrement la norme en 2050. Les jeunes générations vont devoir y faire face, mais l’ensemble de la filière peut aujourd’hui contribuer à éviter que ce soit pire ! »
Si vous n’aviez qu’un seul argument à donner aux éleveurs pour qu’ils s’engagent sur la voie du bas carbone, lequel serait-ce ?
« Même si les enjeux vont bien au-delà du fonctionnement d’une ferme, ce n’est pas en lui proposant de sauver le monde qu’on arrive à convaincre un éleveur laitier de faire évoluer ses pratiques quotidiennes. Le Cniel, à travers ses actions de sensibilisation et son accompagnement dans le diagnostic CAP’2ER®, met en avant des arguments pragmatiques : diminuer son empreinte carbone, c’est aussi améliorer la santé économique de sa ferme. Les premiers résultats de l’engagement de l’éleveur se constatent dans son porte-monnaie. »
Être plus vertueux, c’est être plus autonome. En baissant les intrants, je réduis mes dépenses.
« C’est aussi éviter le gaspillage. Un geste simple à mettre en place est d’adapter la consommation des protéines dans l’alimentation. Le taux d’urée du lait est un indicateur facile à obtenir et à analyser (NDLR : le taux idéal oscille entre 0,2 et 0,3 g/litre). Avec a minima 4 analyses par mois, voire un contrôle systématique qui se généralise, il n’est pas difficile de corriger rapidement la ration de ses vaches. C’est encore la réduction de l’âge au premier vêlage, en passant de 3 à 2 ans, qui représente une économie à la fois financière et de temps de travail. Enfin, dans un contexte de crise énergétique et d’inflation, réduire l’utilisation d’engrais azotés sera un gain financier autant qu’environnemental. »
Vers qui l’éleveur doit-il se tourner en premier pour entrer dans une démarche de réduction de son empreinte carbone ?
« Le préalable à des pratiques moins émettrices est de prendre conscience de sa consommation et de ses émissions. Le premier pas pour réduire son empreinte carbone est donc le diagnostic CAP’2ER®. C’est la priorité. L’éleveur doit se rapprocher de sa fédération départementale. Il connait déjà les interlocuteurs de proximité, il ignore juste tous les services qu’ils peuvent lui rendre. »
« Les éleveurs qui peinent à s’engager imaginent souvent que la démarche ferme laitière bas carbone est un parcours du combattant. Un diagnostic CAP’2ER® ne prend que trois heures ! Accompagné par un conseiller, l’éleveur dresse un bilan de départ ainsi qu’une liste d’actions claires et concrètes. L’organisation du travail quotidien de l’éleveur peut aussi se trouver améliorée. Ceux qui plaident le manque de temps pour se lancer n’ont plus d’excuse. »
Quel conseil donneriez-vous aux éleveurs qui se lancent dans la démarche ?
« Osez pousser la porte des structures qui accompagnent : CRIEL, organismes de conseil, chambres d'agriculture et prenez le temps de poser des questions. Vous n’êtes pas seuls ! C’est ce premier cap qui est le plus difficile à franchir. Ensuite, vous n’avancez que vers du positif. Si le premier diagnostic est un point de départ pour montrer le chemin, les suivants, tous les deux ou trois ans, sont des encouragements. Mesurer l’avancée de ses progrès est une solide motivation pour continuer à avancer. C’est la preuve que les efforts payent. »
« Aux éleveurs qui se lancent, d’abord, je les félicite. Je leur dirais que la démarche vaut la peine de prendre le temps et surtout d’être menée dans la durée. »
Quel est votre souhait pour l’avenir de l’élevage laitier en France ?
« Je suis optimiste. La filière lait va dans la bonne direction. L’élevage laitier français est le modèle le plus durable au niveau international. Notre production nourrit des millions de personnes à travers le monde. Je souhaite donc que la filière continue à se développer et qu’elle accélère le déploiement de la démarche ferme laitière bas carbone. »
« Nous avons la chance de pouvoir produire tout en étant respectueux de l’environnement, notamment en contribuant à la fertilité des sols, à la biodiversité et au stockage du carbone. Ne gâchons pas cette opportunité. »
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